Joe est un militant burkinabé dans la célèbre ville de Bobo Dioulasso. Il est organisé au sein d’une association de lutte pour la protection de l’environnement ; les « Jeunes en Vert », laquelle a par ailleurs participé en 2014 au soulèvement populaire catalysé par le mouvement du « Balai Citoyen » pour chasser le dictateur Blaise Compaoré (celui qui avait fait assassiner le célèbre dirigeant marxiste et anti-impérialiste Thomas Sankara en 1987 avec le soutien des grandes puissances occidentales, France en tête).
Fanny, son épouse, est une militante communiste franco-burkinabé. Elle a soutenu Joe et ses camarades dans leur récente lutte à Bobo, connue pour l’importante biodiversité de son environnement forestier, source de nombreuses richesses locales, contre l’implantation « sauvage » sur une surface naturelle sans bail d’un complexe hospitalier. Cette lutte a porté ses fruits et les investisseurs ont reculé.
Joe a connu dans son enfance la période Sankara et en a gardé de vifs souvenirs, en particulier sur la façon de conduire les actions collectives, villageoises, pour la protection du patrimoine naturel burkinabé contre la prédation impérialiste.
Son point de vue de militant « écologiste », d’un pays du sud semi-colonisé, nous a paru intéressant pour examiner quelles en sont les différences avec l’idéologie écolo occidentale (surtout tournée sur le réchauffement climatique et la « décroissance »).
Evidemment, la réflexion de Joe manifeste toutes les contradictions qui peuvent freiner ou accélérer la conscience de classe d’une part (« nous » le peuple d’un coté, « eux » les profiteurs de l’autre), la conscience anti-impérialiste d’autre part (identifier les intérêts occidentaux dans le soutien à la domination d’une certaine « élite » nationale sans dédouaner cette dernière) : La bourgeoisie, ici comme là bas, est par excellence la « classe qui se cache », et les prédateurs impérialistes français, surexpérimentés politiquement, sont sans doute encore mieux cachés… C’est ce qui fait la difficulté ou la complexité du processus de conscientisation de ceux qui luttent en passant de la protection de l’environnement ou de la lutte syndicale, aux formes de lutte plus « politiques » sans cesse réactualisées par l’évolution du contexte.
Cet échange, sur la base de questions proposées par « GERMINAL », qui parle de luttes locales comme du contexte historique et politique du pays, est un matériau d’une grande richesse pour penser la lutte « politique » pour la protection de l’environnement, les contradictions existant entre les fronts associatifs, syndicaux, politiques voire électoraux, qui traversent la construction d’une lutte de libération nationale.